dimanche 3 février 2008

Pélerinage sur l'île de Gorée


Gorée. Cette île est magnifique. C'est ce qui est dramatique. Aujourd'hui, paradis pour Toubabous en manque de sensations et chalands à l'affut de chaque franc CFA qui passe. Hier, l'enfer sur terre... Pour prêt de 15 millions d'esclaves déracinés, déportés vers les Amériques en plus de trois siècles. Une paranthèse dans l'Histoire, dans notre histoire, nous, voisins de la belle Nantes érigée en reine de la Loire grâce à cet infame négoce.

Nous sommes partis ce dimanche midi par bateau : le Beer. Un nom symbolique, celui des négriers qui transbahutaient leur cargaison de sang et d'horreur vers les colonies. Notre Beer à nous fait bien évidemment l'aller et retour Dakar-Gorée. Environ toutes les quarante minutes. Une belle usine huilée vers un bout de terre paradisiaque : 900 m sur 300 peuplé à l'année de 1200 habitants, plus tous les chalands et les p'tits blancs en goguette qui s'y entassent.

Une fois arrivé, on entre dans l'ambiance, celle du commerce, du "harcélement" tous les cinq mètres, celle de ces magnifiques Sénégalaises (Fatou, Kenza et autres) qui vous vendent leur sourire pour vous refiler une babiole... Celle aussi de ces gamins morveux qui vous réclament un bonbon ou qui se tapent une partie de foot sous un cagnard parsemé de vent et d'ombre de baobabs...

Pour cette visite, nous avons réussi à nous défaire de la noria de guides qui se revendiquent de l'Office de tourisme pour avancer à notre rythme, au fil de nos émotions... Car, enlevés tous les rougeots (c'est vrai que ça tape pour un 3 février), oubliés les "marchands du temple", on se prend vite tout cela en plein poire. Surtout à l'intérieur de la Maison des esclaves. Cette sublime batisse où cohabitaient (est-ce vraiment le terme ?) esclaves et négriers... En bas, de froides cellules de pierre où tiennent à peine quinze touristes et où devaient s'entasser près d'une centaine d'esclaves. Des cellules où le tri était effectué. D'un côté, les hommes. De l'autre, les jeunes filles. Et même des enfants. Au-dessus, juste séparé par un plancher, de grandes pièces où devaient se "vautrer" les négriers. Un étage où l'on trouve aujourd'hui une expo retraçant près de trois siècles d'infamie...

Autant vous le dire, tout de suite, il faut le digérer, tout cela. Eviter que les larmes ne coulent. S'empêcher d'hurler. C'est pourquoi, nous nous sommes ensuite dirigés vers le Musée de l'histoire du Sénégal. Pour nous blotir le long d'une fraîche petite muraille. En face de nous, des jeunes gens s'ébattent dans l'eau chaude, oscillant tantôt vers le bleu et le vert ; trois amis viennent de se faire la traversée Dakar-Gorée en canoës. Une distance de 3,5 km qui donne lieu chaque année à une course à la nage... D'endurance, cela va s'en dire.

Et puis, notre bâteau de 17 h 30 arrive déjà. On s'amasse sur la jeté. Je pense à tout ce que je viens de vivre. Autant vous le dire, la digestion passe plus mal qu'un poulet yassa surépicé. Et que vois-je sur cette jetée ? Un rougeot de Néerlandais (à tendre l'oreille, il me semble que c'est ce langage) qui se fait cirer les pompes par un enfant en guenilles et qui semble dire à sa compagne d'en faire un beau cliché. Illico, cette dernière sort son appareil photo... J'hallucine ! Qu'a-t-il retenu de cette journée : plage, belles pépées et crustacés !

"Nous faisons le lien entre vous et l'Histoire", vante la compagnie maritime qui nous ramène sur le port de Dakar. Cela laisse songeur. Jusqu'au bout je fixe cette île. Jusqu'à ce que les montagnes de containers ne la fassent disparaître... Comme pour nous faire oublier.

Trop tard, nos cinq paires d'yeux ont imprimé. Les vôtre peut-être un jour, pour vraiment dire "Plus jamais ça". Pour aujourd'hui refuser plus que jamais l'exploitation de l'homme par l'homme. Même si ce Néerlandais aurait pu me rétorquer qu'en acceptant de mettre un gamin à ses pieds, il le fait vivre, fait marcher cette économie...

Ce n'est que le début du périple. Un voyage face aux autres et face à nous mêmes. pour revenir plus ouvert, humble et curieux que jamais.

Vous pouvez compter sur nous, vous familles, amis, collègues qui faîtes aussi partis de cette aventure dans un coin de nos têtes et de nos coeurs...

A bientôt.
Pierre-Yves et toute la joyeuse équipée.

5 commentaires:

les birons a dit…

très beau ce texte, émouvant, le sans culotte en afrique c'est vraiment le top! quelle belle écriture merci de nous transmettre un peu de vos émotions.

Tophe Hélène a dit…

Bonjour à vous !!

Depuis deux jours, nous vivons vos aventures et, il faut dire que nous voyageons nous aussi un peu.

Le voyage à débuté fort pour vous, et, il a l'air d'être tout aussi intense pour la suite.

Profitez-en un maximum, mais pour ça, on compte sur vous.

Bises à tous et avec impatience de lire la suite.

les cousins Drômois

Bernard a dit…

Salut à vous tous ! J'espère que vous digérez ... tout ce que vous voyez ! Ce n'est que le début.
Au fait comment dit-on "petites laines" en wolof, parce qu'ici on se caille.
A vous lire régulièrement et gardez la forme.
BB

Natacha a dit…

Glurps, je dirais juste glurps !!

Unknown a dit…

Un beau témoignage, certainement.
Et plus certainement encore vous auriez du poser la question au rougeot de néerlandais, à qui vous prêtez un esprit de colon, qui faisait cirer ses pompes par un enfant pour qui le tourisme, les jours de we, est une source d'argent de poche. Peut-être même auriez-vs dû poser la question à l'enfant directement, ce qui vs aurait évité ces tracasseries.
Epargnez-moi maintenant vos larmes, l'Histoire est derrière nous, et parlez en d'autres termes des vendeuses qui sont assurément mieux lôties que la plupart de leurs congénères péninsulaires et dont le sourire n'a rien de désespéré. Peut-être, pour s'en rendre compte, aurait-il fallu leur adresser la parole à elles aussi, autrement que pour les éconduire.
Parlez-moi des guides, ceux que vous avez écouté lors de votre visite de la HoS, et qui parlent trois langues étrangères en moyenne, et qui ne considère votre front de rougeot que comme celui d'un touriste, de la même façon que le ferait un pizzaiolo sur une plage de la côte d'azur.
Dans l'attente de vous lire,
cordialement
un autre touriste